La question du moment.
La question du moment, qui divise l'amphi, crée des clans, réveille de vieilles animosités, n'est pas qui va prendre la garde du 31 décebre et du 24 au soir et du 25 journée, non, cette question là s'est reglée dans le sang il y a déjà trois mois, mais bien le dilemme de l'étudiant en médecine français qui prépare l'internat :
Dois je prendre une Conf ? Et si oui, laquelle ? Hippoptome, Hermetique, ou Emirat (comme nous surnommerons ici pour ne pas leur faire de leur pub les principales parisiennes).
Lecteur, je te sens déçu. C'est que tu ne saisis pas tout l'enjeu de la question. Petit rappel, pour les non initiés (bénis soient ils), les autres pouvant sauter les paragraphes à venir.
Les études de médecine Française ont ce charme particulier d'être sanctionnées par deux grands concours. Schématiquement, un pour y entrer, et un pour en sortir.
En fin de première année, entre 1/6 et 1/10 de la promo seulement (en fonction des facs, des quotas, du nombre d'inscrits etc), sont autorisés à passer en deuxième année. C'est le fameux Numérus Clausus, dont le gouvernement nous anonce régulièrement des hausses spectaculaires, annonce particulièrement drôle à entendre quand on comprend ensuite que cette hausse sera étalée sur 6ans donc que l'augmentation annuelle sera la même que celle des 10 dernières années.
Et le concours de l'internat, bien sûr (Enfin, "Epreuves Nationnale Classante", comme il faut maintenant l'appeller), que nous devons tous passer en fin de 6ème année et à l'issue duquel un classement de tous les candidats est établi. Ensuite le plus ou moins heureux lauréat choisi dans un vaste panel de spécialités (de médecine générale à radiologue en passant par chir, spé medicales etc...), en fonction de son ordre de classement, et passe du statut d'externe, au très envié (c'est à dire très envié par les étudiants des 6années précédentes) statut d'interne. Le nombre de postes offert par villes étant limités, tu as compris lecteur qu'il vaut mieux être bien classé pour pouvoir choisir de faire la spé qu'on veut dans la ville qu'on veut.
Inutile de vous le dire, tout cela est quelque peu anxiogène. Et c'est là qu'interviennent les prépas privées (pour la première année), et les conf (pour l'internat).
La conf, koikesse ?
En gros, c'est un organisme privé, qui paye de jeunes internes ou chefsde clinique pour venir donner des conférences à des externes de 5ème et 6ème année sur leur spécialité, afin de réviser au mieux et le plus intensément possible l'internat. (cette affirmation étant à prendre avec tout le recul nécessaire).
Et au final c'est la grande hypocrisie du système universitaire médical. Alors que nous sommes tous tenus de passer les mêmes épreuves, nous n'y sommes absolument pas préparés de la même façon. Quand certaines facs de certaines pratiquent des politiques ultra volontaristes organisant avec leur propre personnel enseignant des confs n'ayant rien à envier aux privées, mais... gratuites... D'autres, comme la mienne, en sont encore à mouliner dans le vide en déplorant que nous ne venions pas en cours (non adaptés aux épreuves) et se contentant de vouloir durcir les partiels afin de nous inciter à travailler. Super. Sauf que préparer une épreuve de partiel pour un prof dont on connait les marottes n'a rien à voir avec préparer l'internat.
Débrouillez vous, et roulez jeunesse. Mais ne faites pas honte à votre fac et soyez bien classés, que diable.
Le 4ème année donc, s'il veut avoir un minimum de choix pour son avenir professionel tire vite la conclusion suivante "il va falloir que je m'inscrive à une conf".
Et décembre est pile la saison où, en même temps que les décos kitsh de Noël, fleurissent sur les murs de nos facs des posters publicitaires nous expliquant comment nous inscrire à la conf Hippopotame, Hermétique etc... C'est à dire, bien souvent, sans tellement plus d'explications : "Ne réfléchis pas trop et envoie nous un chèque de préinscription, qui te donnera le droit de recevoir un dossier avec le décompte du gros chèque d'inscription que tu devras ensuite renvoyer".
Et la cerise pourrie sur ce gâteau d'hypocrisie est que certaines facs préparant mal leurs étudiants vont jusqu'à cautionner (voire inciter) de facto ce système assez gerbant : beaucoup de conf' (payantes donc) ont lieu dans des locaux prêtés (loués ?) par des facultés (pas la mienne, mais plusieurs parisiennes).
Au pays des %ù@!*, certains doyens sont les rois.
En résumé, et pour citer un des médecins de mon service "on l'a dans le fion bien profiond".
Et si ces boites privées sont aussi désinvoltes quant à l'information de leurs futurs étudiants, c'est qu'elles ont compris une chose essentielle : beaucoup d'étudiants sont prêts à tout pour s'y inscrire. Et c'est assez drôle (un publicitaire devrait étudier la chose), parce que c'est le genre de phénomène qui s'auto entretient parmi nous. Dès la deuxième année tu es au courant de l'existence de ces confs et tu as bien souvent ton avis sur la question (en faire ou pas ?), et en quatrième, quand l'heure est venue de s'inscrire, le phénomène atteint son acmé, les étudiants arrivant à débattre réellement interminablement sur les deux grandes questions "S'inscrire ou non", "à Hermétique ou à Emirat" ?
Le plus comique étant que grosso modo, ces conf se valent (il arrive qu'un conférencier fasse des cours dans les deux ai je entendu dire), et que vu la pauvreté des information données par ces boites, les débats, et la prise de décision se basent sur des trucs aussi débiles (et je pèse mes mots), que "quels soirs de la semaine cela va t il être ?", "est ce que duchmoll y va parce que je ne l'aime pas et j'ai pas envie de la voir en conf ?", et surtout "le cinquième année avec qui je suis en stage est à emirat et en dit beaucoup de bien", ce à quoi quelqu'un répond immanquablement "oui mais celle avec qui je suis en stage a dit que Hermétique était bien aussi".
Les mêmes arguments étant repris en boucle, et le nombre de conneries prononcées et d'affirmations non vérifiées élevées au rang de parole d'évangile est impressionnant.
C'est à peu près du niveau de la discussion politique avec Robert, rencontré dans un bar un vendredi soir, qui après deux vodkas te confie avec acuité et fulgurance sa vision du monde et de la politique telle qu'elle devrait être. Mais sans la fumée de cigarette.
La pub des confs : le buzz élevé au rang d'art.
Le plus frustrant étant que comme tout est basé sur la rumeur, le on-dit et des avis subjectifs, chaque fois que l'on pense avoir pris une décision sur ces critères débiles, on est satisfait et on retombe dans le panneau : On engage la discussion sur le sujet avec quelqu'un, et on la finit plus embrouillé qu'on ne l'avait commencée.
Pouf, retour à la case départ, sans toucher 20 000 francs, mais en s'apprêtant à débourser 400 € (minimum) par semestre, sans trop encore savoir à qui les donner.
Bref, cela vire à la tragédie grecque, entre les farouches opposants (les plus intègres d'entre nous, mais les moins nombreux) à la chose, les poules mouillées qui, comme moi, cèdent à la pression à contre coeur et vont s'inscrire par peur de ne pas réussir à se préparer tout seul à l'internat ; et ceux qui de toute façon ne voient pas où est le problème.
Et au sein de groupes d'amis la division règne entre ceux qui ont choisi l'une ou l'autre, chacun étant évidemment intimement persuadé d'avoir fait le meilleur choix. Ou alors le groupe d'ami essayant de se mettre d'accord pour aller à la même tous ensemble, donnant lieu à d'interminables tractations.
Assez intéressant à regarder sur le plan comique, mais éminement stupide.
Apparement, on n'a rien de mieux à faire.
Dois je prendre une Conf ? Et si oui, laquelle ? Hippoptome, Hermetique, ou Emirat (comme nous surnommerons ici pour ne pas leur faire de leur pub les principales parisiennes).
Lecteur, je te sens déçu. C'est que tu ne saisis pas tout l'enjeu de la question. Petit rappel, pour les non initiés (bénis soient ils), les autres pouvant sauter les paragraphes à venir.
Les études de médecine Française ont ce charme particulier d'être sanctionnées par deux grands concours. Schématiquement, un pour y entrer, et un pour en sortir.
En fin de première année, entre 1/6 et 1/10 de la promo seulement (en fonction des facs, des quotas, du nombre d'inscrits etc), sont autorisés à passer en deuxième année. C'est le fameux Numérus Clausus, dont le gouvernement nous anonce régulièrement des hausses spectaculaires, annonce particulièrement drôle à entendre quand on comprend ensuite que cette hausse sera étalée sur 6ans donc que l'augmentation annuelle sera la même que celle des 10 dernières années.
Et le concours de l'internat, bien sûr (Enfin, "Epreuves Nationnale Classante", comme il faut maintenant l'appeller), que nous devons tous passer en fin de 6ème année et à l'issue duquel un classement de tous les candidats est établi. Ensuite le plus ou moins heureux lauréat choisi dans un vaste panel de spécialités (de médecine générale à radiologue en passant par chir, spé medicales etc...), en fonction de son ordre de classement, et passe du statut d'externe, au très envié (c'est à dire très envié par les étudiants des 6années précédentes) statut d'interne. Le nombre de postes offert par villes étant limités, tu as compris lecteur qu'il vaut mieux être bien classé pour pouvoir choisir de faire la spé qu'on veut dans la ville qu'on veut.
Inutile de vous le dire, tout cela est quelque peu anxiogène. Et c'est là qu'interviennent les prépas privées (pour la première année), et les conf (pour l'internat).
La conf, koikesse ?
En gros, c'est un organisme privé, qui paye de jeunes internes ou chefsde clinique pour venir donner des conférences à des externes de 5ème et 6ème année sur leur spécialité, afin de réviser au mieux et le plus intensément possible l'internat. (cette affirmation étant à prendre avec tout le recul nécessaire).
Et au final c'est la grande hypocrisie du système universitaire médical. Alors que nous sommes tous tenus de passer les mêmes épreuves, nous n'y sommes absolument pas préparés de la même façon. Quand certaines facs de certaines pratiquent des politiques ultra volontaristes organisant avec leur propre personnel enseignant des confs n'ayant rien à envier aux privées, mais... gratuites... D'autres, comme la mienne, en sont encore à mouliner dans le vide en déplorant que nous ne venions pas en cours (non adaptés aux épreuves) et se contentant de vouloir durcir les partiels afin de nous inciter à travailler. Super. Sauf que préparer une épreuve de partiel pour un prof dont on connait les marottes n'a rien à voir avec préparer l'internat.
Débrouillez vous, et roulez jeunesse. Mais ne faites pas honte à votre fac et soyez bien classés, que diable.
Le 4ème année donc, s'il veut avoir un minimum de choix pour son avenir professionel tire vite la conclusion suivante "il va falloir que je m'inscrive à une conf".
Et décembre est pile la saison où, en même temps que les décos kitsh de Noël, fleurissent sur les murs de nos facs des posters publicitaires nous expliquant comment nous inscrire à la conf Hippopotame, Hermétique etc... C'est à dire, bien souvent, sans tellement plus d'explications : "Ne réfléchis pas trop et envoie nous un chèque de préinscription, qui te donnera le droit de recevoir un dossier avec le décompte du gros chèque d'inscription que tu devras ensuite renvoyer".
Et la cerise pourrie sur ce gâteau d'hypocrisie est que certaines facs préparant mal leurs étudiants vont jusqu'à cautionner (voire inciter) de facto ce système assez gerbant : beaucoup de conf' (payantes donc) ont lieu dans des locaux prêtés (loués ?) par des facultés (pas la mienne, mais plusieurs parisiennes).
Au pays des %ù@!*, certains doyens sont les rois.
En résumé, et pour citer un des médecins de mon service "on l'a dans le fion bien profiond".
Et si ces boites privées sont aussi désinvoltes quant à l'information de leurs futurs étudiants, c'est qu'elles ont compris une chose essentielle : beaucoup d'étudiants sont prêts à tout pour s'y inscrire. Et c'est assez drôle (un publicitaire devrait étudier la chose), parce que c'est le genre de phénomène qui s'auto entretient parmi nous. Dès la deuxième année tu es au courant de l'existence de ces confs et tu as bien souvent ton avis sur la question (en faire ou pas ?), et en quatrième, quand l'heure est venue de s'inscrire, le phénomène atteint son acmé, les étudiants arrivant à débattre réellement interminablement sur les deux grandes questions "S'inscrire ou non", "à Hermétique ou à Emirat" ?
Le plus comique étant que grosso modo, ces conf se valent (il arrive qu'un conférencier fasse des cours dans les deux ai je entendu dire), et que vu la pauvreté des information données par ces boites, les débats, et la prise de décision se basent sur des trucs aussi débiles (et je pèse mes mots), que "quels soirs de la semaine cela va t il être ?", "est ce que duchmoll y va parce que je ne l'aime pas et j'ai pas envie de la voir en conf ?", et surtout "le cinquième année avec qui je suis en stage est à emirat et en dit beaucoup de bien", ce à quoi quelqu'un répond immanquablement "oui mais celle avec qui je suis en stage a dit que Hermétique était bien aussi".
Les mêmes arguments étant repris en boucle, et le nombre de conneries prononcées et d'affirmations non vérifiées élevées au rang de parole d'évangile est impressionnant.
C'est à peu près du niveau de la discussion politique avec Robert, rencontré dans un bar un vendredi soir, qui après deux vodkas te confie avec acuité et fulgurance sa vision du monde et de la politique telle qu'elle devrait être. Mais sans la fumée de cigarette.
La pub des confs : le buzz élevé au rang d'art.
Le plus frustrant étant que comme tout est basé sur la rumeur, le on-dit et des avis subjectifs, chaque fois que l'on pense avoir pris une décision sur ces critères débiles, on est satisfait et on retombe dans le panneau : On engage la discussion sur le sujet avec quelqu'un, et on la finit plus embrouillé qu'on ne l'avait commencée.
Pouf, retour à la case départ, sans toucher 20 000 francs, mais en s'apprêtant à débourser 400 € (minimum) par semestre, sans trop encore savoir à qui les donner.
Bref, cela vire à la tragédie grecque, entre les farouches opposants (les plus intègres d'entre nous, mais les moins nombreux) à la chose, les poules mouillées qui, comme moi, cèdent à la pression à contre coeur et vont s'inscrire par peur de ne pas réussir à se préparer tout seul à l'internat ; et ceux qui de toute façon ne voient pas où est le problème.
Et au sein de groupes d'amis la division règne entre ceux qui ont choisi l'une ou l'autre, chacun étant évidemment intimement persuadé d'avoir fait le meilleur choix. Ou alors le groupe d'ami essayant de se mettre d'accord pour aller à la même tous ensemble, donnant lieu à d'interminables tractations.
Assez intéressant à regarder sur le plan comique, mais éminement stupide.
Apparement, on n'a rien de mieux à faire.